
En août 2021, la norme AFNOR NF S99-805 « Qualité de service du sophrologue » a été publiée[1]. L’élaboration de cette norme a réuni l’ensemble des partenaires, écoles de formation, syndicats de sophrologues, hôpitaux, mutuelles, associations de malades et usagers, avec pour objectif de définir le niveau de qualité de service du sophrologue, de le décrire et d’harmoniser les pratiques mises en œuvre. Il s’agit de rassurer les usagers, les prescripteurs, les partenaires potentiels des sophrologues grâce à un cadre de référence consensuel élaboré par des experts du domaine concerné dans un objectif notamment d’amélioration continue au profit du client (particulier ou entreprise, association, organisme).
Cette norme comporte les exigences ainsi que les recommandations concernant les accompagnements individuels et collectifs, les moyens mis à disposition, l’information des clients, la formation des sophrologues et le cadre déontologique en lien avec la pratique de la sophrologie.
On ne peut que se réjouir de l’existence de cette norme pour définir un cadre de référence commun et ainsi rassurer les usagers et les prescripteurs éventuels. Cependant, des interrogations apparaissent déjà la concernant. Parmi celles-ci, on trouve un questionnement sur la (re)connaissance de cette norme par le grand public ; sur l’impact de son existence sur la pratique des sophrologues ; sur le fait que la certification du respect des exigences de la norme soit réalisée par des organismes indépendants, sous forme d’un audit payant ; sur la révision périodique de cette norme qui rendrait caduques les certifications obtenues. Personnellement, je suis pour l’existence de cette norme et la certification du respect de ses exigences.
Qu’est-ce qu’une norme ?
L’article 1er du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation, définit la normalisation comme étant : « une activité d’intérêt général qui a pour objet de fournir des documents de référence élaborés de manière consensuelle par toutes les parties intéressées, portant sur des règles, des caractéristiques, des recommandations ou des exemples de bonnes pratiques, relatives à des produits, à des services, à des méthodes, à des processus ou à des organisations ». Comme indiqué sur le site de l’AFNOR, les normes couvrent un vaste champ d’activités, « elles peuvent concerner la fabrication d’un produit, le management d’un procédé, la prestation d’un service ou la fourniture de matériel ».
Une norme est toujours à l’initiative des acteurs du marché. Il s’agit d’un cadre de référence visant à fournir des lignes directrices, des prescriptions techniques ou qualitatives pour des produits, services ou pratiques, au service de l’intérêt général. Il est important d’avoir en tête qu’elle est le résultat d’un consensus entre les professionnels et les utilisateurs engagés dans son élaboration. Une norme est révisée régulièrement, généralement une fois par an, pour s’adapter aux évolutions.
Une norme est dite volontaire (article 17 du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009) lorsque chaque professionnel ou organisation est libre de s’y référer ou non[2]. Elle diffère en cela d’une règlementation qui est l’expression d’une loi et relève des pouvoirs publics ; une règlementation a un caractère obligatoire, ce qui n’est pas le cas de la norme volontaire. Cependant, une norme peut également être citée comme document de référence et devient alors d’application obligatoire, cela concerne 1% d’entre elles, dans ce cas, la norme a un caractère contraignant.
La norme AFNOR NF S99-805 concernant les sophrologues est une norme volontaire, elle n’a donc aucun caractère contraignant, chaque sophrologue peut décider de s’y conformer ou non.
Il convient de noter que, bien que dépourvues de valeur contraignante, une norme homologuée par l’AFNOR est susceptible de recours devant les tribunaux administratifs car elle peut être explicitement citée dans un contrat de type marché public ou privé et s’applique alors aux parties contractantes. Il n’est pas impossible que d’ici quelques mois/années, des organismes puissent exiger du sophrologue intervenant dans leurs locaux, une certification attestant de son respect des exigences du référentiel de la norme.
Comment prouver la conformité à une norme ?
Il existe trois possibilités pour un professionnel ou une organisation de prouver sa conformité à une norme volontaire :
- La conformité à la norme peut faire l’objet d’une déclaration du sophrologue sous sa seule responsabilité. C’est-à-dire que le sophrologue s’engage sur la qualité de ses prestations à partir du référentiel de la norme publié par l’AFNOR. Il doit alors être en mesure de fournir les preuves nécessaires en cas de contrôle. Cette évaluation est qualifiée d’évaluation « première partie ».
- La conformité à la norme peut être évaluée par une personne ou une organisation ayant un intérêt direct dans le recours au professionnel. Ce pourrait être un client, une mutuelle, une association, etc. On parle alors d’évaluation de « deuxième partie ».
- Enfin, la conformité peut être attestée par un tiers c’est-à-dire par un organisme indépendant chargé d’évaluer selon des critères en lien avec la norme, la conformité du sophrologue avec les exigences de cette norme. On parle dans ce cas d’évaluation « tierce partie ». A l’heure actuelle, seule la Chambre Syndicale de la Sophrologie a fait la démarche pour être accréditée. L’obtention de la certification est matérialisée par un logo utilisable par le sophrologue dans sa communication pendant la durée de validité de cette certification. La durée de validité de la certification pour la norme qualité de service du sophrologue est de deux ans.
Que va apporter la norme NF S99-805 ?
Il est nécessaire de rappeler que le métier de sophrologue appartient aux professions non réglementées et qu’aucune formation minimale n’est exigée pour exercer. Il existe cependant depuis 2011, un référentiel métier ayant donné lieu à la création d’un titre professionnel inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). La norme de qualité de service du sophrologue veut aller au-delà du critère lié à la seule formation du sophrologue et/ou à l’obtention du titre professionnel. Les formations existantes sont comprises entre 6 mois et 2 ans et sont souvent sources de querelles pour déterminer la qualité de la formation donc la qualité du sophrologue. Le titre professionnel de sophrologue n’est pas proposé par toutes les écoles et atteste des compétences (savoirs, savoir-faire et savoir-être) du sophrologue à la fin de sa formation mais ne garantit pas la qualité de service tout au long de la vie professionnelle dudit sophrologue. La norme permettrait donc une évaluation régulière de la conformité de la pratique du sophrologue et garantirait ainsi une qualité de service pour les usagers, les prescripteurs, etc.[3]
Pour les sophrologues, elle est un moyen de valider l’application de ce qu’ils ont acquis au cours de leur formation notamment en termes de posture, d’informations à délivrer au client, et d’accompagnement. Il est possible dans ces métiers de se retrouver isolé dans sa pratique, de dévier parfois de ce qui a été enseigné sans s’en rendre compte. Se confronter à un référentiel peut aider à interroger sa pratique, à maintenir ou à faire évoluer ses savoir-faire. En cela, la norme fait partie de l’amélioration continue au même titre que les formations que le sophrologue peut suivre au cours de sa vie professionnelle, la supervision, etc. Son renouvellement régulier garantit ce maintien d’une qualité de service.
Pour les usagers, elle est un gage de respect d’un cadre d’accompagnement de la part du sophrologue, et peut venir compléter l’obtention du titre professionnel de sophrologue. Cela peut aider à rassurer le public qui doute, participer à la confiance du client envers le sophrologue et ainsi faciliter la démarche d’aller voir un sophrologue. Ne nous voilons pas la face sur le fait que les évènements liés aux pratiques déviées de certains professionnels des thérapies dites alternatives et les conséquences qui s’en sont suivies à la fin de l’été 2022, ont freiné voire arrêté certaines personnes dans l’envie d’être accompagnées par un sophrologue même si les sophrologues n’étaient pas concernés par ces événements. La norme pourrait être un moyen pour les professionnels s’y conformant et étant certifiés par un organisme indépendant, d’apporter de la crédibilité au métier, d’assurer un cadre défini précis et d’avoir une visibilité plus grande.
Pour les prescripteurs éventuels, les mutuelles, les associations, etc., elle peut rassurer, là encore, sur les engagements du sophrologue à proposer un cadre précis et protecteur pour l’usager. Le respect attesté de ce cadre pourrait encourager des remboursements plus importants des séances par les mutuelles, une ouverture plus grande des structures hospitalières à l’accueil d’un sophrologue en complément des traitements allopathiques et une orientation plus importante du monde médical vers la prise en charge par un sophrologue pour des troubles mineurs liés, par exemple, au stress ou troubles du sommeil permettant de réduire le recours aux anxiolytiques, somnifères ou autres.
Tout ceci reste des suppositions et nous ne saurons l’impact de la norme que dans les années à venir. Apprécions, pour le moment, les efforts menés pour la reconnaissance et la crédibilité du métier de sophrologue.
[1] Le référentiel de la norme est disponible à l’achat sur le site de l’AFNOR, au prix de 58,62 € HT soit 70,34 € TTC : https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-s99805/sophrologie-qualite-de-service-du-sophrologue/fa198269/263264
[2] https://www.afnor.org/normes/normes-definition/
[3] Il est à noter qu’une certification basée sur la norme NF S99-805 existe également pour les écoles de formation à la Sophrologie.